Ah les années 60, des années d’insouciance dans une société florissante où le progrès technique n’a plus de limites. On inspire, expire et on contemple un avenir radieux qui se profile dans les années 70. Dans la tête des dirigeants de nos constructeurs, le même état d’esprit s’invite. Le marché de l’automobile croit et l’enrichissement permet d’entrevoir des voitures plus haut de gamme et à la plus forte cylindrée. L’American Dream fait également rêver et les constructeurs français, déjà implantés depuis quelques années, ne veulent plus faire de la figuration. La décision est prise, il faut un moteur noble ! Problème, les constructeurs sont encore indépendants et il est trop risqué d’assumer le développement d’un tel moteur tout seul. Très vite, Peugeot et Renault vont se rapprocher tandis que Simca continue avec ses V8 américains et que Citroën rachète Maserati pour utiliser son V6. Peugeot et Renault vont être rejoints par Volvo qui y voit aussi une opportunité pour remplacer son 6 cylindres essence. Il faut bien ça pour déplacer les Drakkars des Vikings !

Un moteur ambitieux

La société franco-suédoise des moteurs PRV est donc née le 28 juin 1971. Le site de la Française de Mécanique à Douvrin est choisi pour fabriquer le futur moteur PRV. Ce site est également le fruit d’une entente entre Peugeot et Renault qui va, notamment, produire le moteur X de la Peugeot 104 (lire : 50 ans de la Peugeot 104, la petite Peugeot sort ses crocs). Le projet « Z » voit le jour avec une volonté d’avoir un moteur modulable proposé en V8 (ZO) et V6 (ZM) avec la même architecture. Le cahier des charges est validé. L’ouverture sera à 90° avec des cylindres de 444 cm3 (alésage de 88 mm et course de 73 mm) donnant un V6 de 2 664 cm3 et un V8 de 3 552 cm3. Le V6 doit sortir en 1974 et le V8 en 1976.

La construction se veut moderne avec un bloc et culasses en alliage d’aluminium assurant un poids plus léger et donc une meilleure tenue de route ainsi qu’une consommation réduite.

Le projet est alléchant sur le papier, le rêve d’un retour en force des constructeurs français sur le segment haut de gamme est sur le point de se réaliser, mais tout s’écroule à l’automne 1973. Le premier choc pétrolier, lié à des facteurs économiques et géopolitiques, multiplie par 4 le prix du baril de pétrole et marque la fin des trente glorieuses. L’heure n’est plus à la fête, mais plutôt aux économies avec des limitations de vitesse qui apparaissent un peu partout.

Le V8 s’en va

Les moteurs gourmands sont relayés en second plan et le V8 PRV ne sortira jamais en série. Seul le V6 en phase finale de développement sortira en 1974 sur la Volvo 264 et la 504 Coupé (lire Peugeot 504 coupé : la roturière en robe de soirée). La première version d’une longue série délivre, 125 ch et 207 Nm (136 ch pour la 504) grâce à ses trois carburateurs double corps.

Le moteur est souple et agréable à emmener en mode cruising, mais il souffre d’un allumage bancal dû à l’ouverture 90° qui favorisait l’architecture V8. Sur le V6, il n’a pas été jugé important de régler les manetons pour avoir un cycle régulier. Un choix courant à l’époque sur les moteurs modulaires mais donnant un premier avis négatif au PRV. Ce décalage produit une sonorité particulière et ne permet pas de prendre des tours facilement. La comparaison est dure face aux merveilleux 6 cylindres produits par BMW et Alfa Romeo. Fin de l’histoire ? Pas vraiment, le moteur PRV a su évoluer en de nombreuses versions tout au long de sa carrière pour pallier certains de ses défauts.

Un V6 aux multiples visages

En 1975, la ligne d’échappement redessinée permet de gagner quelques chevaux (131 ch), sur les moteurs montés dans les Renault R30 et Peugeot 604. Des grandes routières oubliées qui méritent d’être sauvées. Pour cela nous disposons d’un ensemble chemises et pistons de grande qualité.

La consommation plutôt excessive (presque 30 L au 100km) en usage dynamique rend son utilisation onéreuse en temps de crise. L’adoption de l’injection est actée en 1977 avec l’injection K-Jetronic sur la 604 Ti et la R30 Tx en 1978.

Les carburateurs font de la résistance – ah ces Gaulois – avec une dernière version à double carburateur triple corps de 165 ch monté sur la Talbot Tagora. Vu le succès du modèle, il est difficile d’en trouver de nos jours.

En 1980, une évolution majeure intervient avec l’accroissement de l’alésage à 91 mm produisant une cylindrée de 2 849 cm3. Les premiers dérivés n’ont pas le droit à un gain de puissance significatif puisqu’il est proposé en version 130 ch et 216 Nm sur la Volvo 260 et la mythique DeLorean DMC-12. Des performances suffisantes pour franchir les 88 miles par heure et activer le convecteur temporel…

Une nouvelle base qui va redonner un second souffle au V6 franco-suédois. En 1984, Peugeot n’a plus que le mot GTI en tête et dote sa luxueuse berline 604 d’une version GTI avec le V6 2.8 de 155 ch et 238 Nm.

En parallèle, Renault qui surfe sur le succès de sa R25 présentée en 1983 sort en 1985 une inédite R25 V6 Turbo. La suralimentation permet au V6 PRV d’être revu en profondeur pour diminuer la cylindrée à 2 458 cm3. L’injection et l’allumage sont gérés par un système Renix et Renault profite de ces changements pour enfin régler le problème d’allumage avec un vilebrequin aux manetons décalés. Les performances (182 ch et 276 Nm) et la sonorité sont enfin au niveau. Un joli cadeau d’anniversaire pour les 10 ans du moteur.

De son côté, la version 2.8 litres continue sa route avec un allumage rectifié et une injection Renix chez Renault. On le retrouve avec catalyseur (153 ch) ou sans catalyseur sur la R25 phase 2, puis l’Espace II.

À Sochaux, on fait confiance à l’injection Bosch LH-Jetronic pour la 505 V6 qui file à 205 km/h avec 170 ch et 235 Nm de couple.

La dernière grande évolution du PRV intervient en 1989 avec une cylindrée augmentée, pour une dernière fois. La principale évolution du 2975 cm3, réside dans la possibilité de l’avoir en 2 soupapes avec 170 ch et 235 Nm ou une inédite version 4 soupapes pour PSA avec 200 ch et 260 Nm.

La Volvo 960 clôture l’histoire avec Volvo en 1991 qui s’attèle à développer ses nouveaux 5 et 6 cylindres essence.

En 1993, l’ultime version apparaît avec une légère diminution de la cylindrée à 2 963 cm3.

Le PRV est sportif malgré lui

Si au lancement, le PRV n’était pas réputé comme très sportif, son excellente fiabilité l’a conduit à se hisser sous le capot de voitures sportives pour offrir des performances du premier ordre. D’ailleurs, pour garantir cette fiabilité, nous vous proposons une pochette complète de joints pour l’entretien du PRV. Sur la route c’est l’ensemble des Alpine V6 qui ont eu le droit à ce moteur, de l’A310 à l’A610. Cette dernière offrira jusqu’à 250 ch et 350 Nm de couple. Décoiffant !

Toujours du côté de chez Renault, la sulfureuse Safrane Biturbo y aura le droit avec une version revue par Hartge en configuration 12 soupapes et 268 ch pour une V-max de 250 km/h !

Notre Ferrari française a aussi eu les honneurs du PRV. Au début, la Venturi devait adopter un simple 4 cylindres de Peugeot 505 mais les tests routiers n’ont pas été concluants, ce qui poussa les concepteurs à adopter le V6, qui s’est révélé être le bon choix. Il culminera à 408 ch et 520 Nm dans une version 24 soupapes sous le Capot de la Venturi GT. Les 125 ch de la première version sont loin dans le rétroviseur.

Dans les paddocks le PRV a couru sous le capot de nombreux protos de l’écurie française WM créée en 1969 par deux designers de chez Peugeot : Gérard Walter et Michel Meunier. Le V6 a pu résonner dans la Sarthe à de nombreuses reprises et sous différentes versions entre les années 70 et 80. L’apothéose intervient en 1988 avec la P88 qui a battu le record de vitesses dans la ligne droite des Hunaudières. 407 km/h ! Un record qui ne sera sûrement jamais dépassé avec l’installation des chicanes. Peugeot diminuera volontiers la vitesse atteinte, pour 405 km/h afin de correspondre à la communication de sa nouvelle berline 405. Heureusement que la 106 n’était pas encore née…. Sous sa carrosserie extrêmement effilée, se retrouve un V6 PRV de 2 974 cm3 lourdement préparé avec deux turbos Garrett pour 910 ch !

Le PRV aime bien le Mans et l’endurance et s’est retrouvé sous le capot des Venturi de course avec une puissance maximale de 650 ch sur la dernière version nommée 600 SLM. Une belle machine de course qui a scellé le sort de la marque…

Enfin, le V6 PRV mordra la poussière sur le Paris-Dakar avec les 4x4 UMM Alter et les Peugeot P4 d’assistance de Peugeot Sport et Citroën Sport. Il ira au combat sous les blindages des Panhard VCR et ERC 90. Enfin, il s’enverra en l’air en équipant le prototype du Robin R 3000/01, un avion 100% français. 

En 1998, l’Espace III clôture définitivement l’histoire du V6 PRV après 24 années d’une vie riche et passionnante. Décrié au départ, il sera finalement un succès en étant un moteur fiable, endurant et performant. Grâce à sa compacité avec son ouverture à 90% et sa légèreté, il a pu être adapté à de nombreuses voitures en position longitudinale, transversale ou centrale. Il sera remplacé par le nouveau V6 ESL fabriqué conjointement par Renault et Peugeot après 970 315 unités produites.